Écologistes et antiracistes

CONTRIBUTION POUR LE CONGRÈS 2022 D’EUROPE ÉCOLOGIE LES VERTS

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Qui aurait cru qu’il soit possible, en France, en 2022, d’être et de se dire raciste? Ces dernières années, nous assistons à la montée en puissance d’un discours public décomplexé et intolérant, qui touche largement l’ensemble de la classe politique de notre pays. L’élection des 89 député⋅e⋅s issu⋅e⋅s des rangs de l’extrême-droite démontre la terrible normalisation des idées intolérantes portées par ce camp politique. 

Il faut se rendre à l’évidence : notre société est malade du racisme. Bien que les recherches scientifiques aient disqualifié de longue date l’idée même de race biologique, il semble qu’une forme de considération de la race au sens social persiste, nourrissant un racisme qui demeure dans des comportements insidieux, banalisés et intériorisés. Un racisme qui est systémique, et subi quotidiennement par des millions de nos concitoyens⋅ne⋅s racisé⋅e⋅s. Dans l’accès aux soins, au logement, à l’emploi, aux loisirs. Un racisme qui se montre particulièrement accablant pour les habitant·es des Outre-mers et des quartiers populaires, que la puissance publique délaisse.

Les gauches portent une lourde responsabilité dans cet état de faits : nous, écologistes, y avons notre part. Les gauches se sont étiolées intellectuellement et coupées des mobilisations antiracistes. Les marcheur·ses de 1983 ont été trahi·es par les socialistes et les doléances de 2005 sont restées lettre morte. Le mouvement associatif s’est lui-même perdu dans des pratiques ne mettant pas les principaux concernés au centre de la lutte, ainsi que dans une démarche festive et dépolitisante. Aujourd’hui, nous en payons le prix : le vide laissé par le mouvement antiraciste a été investi par des groupes hostiles à cette cause, arc-boutées sur une injonction normative, oppressive et prétendument républicaine, rendant les racisé-es responsables de leur propre sort.  

Et pourtant, les objets de luttes antiracistes ne manquent pas : absence de reconnaissance du syndrome méditerrannéen, discriminations pratiquées par les agences immobilières, les employeurs ou les lieux de loisirs, contrôles de police au faciès répétés dans les quartiers populaires, ou régime d’exception adopté pour l’utilisation du chlordécone et restrictions de la distribution d’eau potable dans les Outre-mers… Nous-même, écologistes, oublions ces territoires alors qu’ils concentrent de nombreux enjeux écologiques…

Au sein de notre mouvement, disons-le clairement : notre engagement antiraciste est perfectible. Dans nos groupes locaux et dans les commissions thématiques, il convient de saluer les militant⋅e⋅s qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour nouer des liens avec des associations antiracistes. Mais ces engagements n’y sont pas encore une évidence : nous déplorons d’être si peu nombreux.ses à être “woke”, nous déplorons la disqualification et le dénigrement même de nos positions lorsque nous nous nouons des liens avec des personnalités engagées contre le racisme, nous déplorons que nos alertes vis-à-vis des comportements racistes au sein de notre mouvement soient systématiquement dépréciées et mises sous le tapis, comme si ce phénomène ne “pouvait pas” se produire entre nous. Enfin, si la motion, intitulée “Agir contre le racisme et les discriminations à l’origine” a été votée à une écrasante majorité par notre conseil fédéral en janvier 2021, force est de constater que les engagements pris par notre mouvement ne se sont pas concrétisés dans les faits. 

Que nous en soyons victimes ou non, nous, écologistes, ne pouvons pas rester spectatrices et spectateurs d’un racisme qui étouffe et empêche des millions de nos concitoyen⋅nes de s’épanouir. De vivre. Nous devons faire face au racisme, nous devons le combattre par un discours construit et assumé, nous devons faire en sorte que le mouvement associatif et citoyen puisse trouver en nous  des alliés et des interlocuteurs respectueux de leurs combats, prêts à les accompagner, à les renforcer, à amplifier leur voix. 

Notre mouvement doit donc parfaire ses positions sur l’antiracisme, pour cela de nombreuses actions sont à entreprendre au plus tôt :

  • Respecter l’autonomie des acteurs du mouvement antiraciste

Dernièrement, les luttes antiracistes se sont constituées en dehors des partis. Il convient de rendre hommage à l’étendue du travail accompli, et à s’adresser en premier lieu aux collectifs et associations qui la constituent, avec tout le respect et la légitimité qui leur revient. Ce dialogue avec notre mouvement est le préalable à la constitution de notre socle revendicatif sur ces questions. Soyons le mouvement politique de référence de la lutte antiraciste !

  • Créer une commission nationale thématique traitant exclusivement de l’antiracisme et de la lutte contre les discriminations liées à l’origine 

Cette commission serait chargée de construire, notamment en donnant la parole aux concerné⋅e⋅s, une ligne claire sur ce sujet. Sa création permettra de lever le flou persistant au sein de notre mouvement, quant à l’instance pertinente à se saisir de l’antiracisme (tour à tour, les commissions Immigrations, Outre-mer, Quartiers Populaires, ou bien Transnationale..). Il est légitime, au même titre que le féminisme et la lutte LGBTQIA+, que l’antiracisme puisse mener sa réflexion de manière autonome.

  • Porter un discours de réconciliation et de réparation avec l’Histoire de notre pays

Les discriminations qui résultent de notre passé colonial et esclavagiste se perpétuent encore et encore. Nous devons y répondre, porter le débat dans la société, défendre la reconnaissance des crimes commis par l’État français pendant la colonisation et porter le débat et la mise en place de politiques de réparation.

  • Renouer avec le monde de la recherche en sciences sociales

Le procès médiatique en “islamo-gauchisme” intenté par la Macronie à l’encontre de la communauté scientifique doit nous mobiliser, afin de défendre l’indépendance de la recherche vis à vis du pouvoir politique. De plus, les ressources intellectuelles, qu’il s’agisse tant des scientifiques que de leur production, sont essentielles à la consolidation de notre colonne vertébrale idéologique sur la question du racisme. Son apport pour la constitution de notre base revendicative est capital.

  • Créer un socle de formation sur l’antiracisme à destination des adhérent-es et des élu-es

La maîtrise des enjeux de la lutte antiraciste est le préalable à la montée en crédibilité de notre mouvement auprès des acteurs de cette cause, comme d’une grande partie des racisé⋅e⋅s abstentionnistes. Il s’agira d’outiller les militant⋅e⋅s, pour qu’iels puissent identifier les comportements racistes dans leur environnement, et d’être reconnus comme crédibles sur le sujet par les acteurs de la lutte antiraciste. Les élu⋅e⋅s doivent également être formés, afin que les politiques élaborées dans les lieux de pouvoir prennent en compte les enjeux de la lutte antiraciste.

  • Transformer notre mouvement pour qu’il soit représentatif de la société, en interne comme en externe

Nous déplorons collectivement notre entre-soi militant blanc, CSP+ dans lequel nous sommes enfermé⋅e⋅s. Nous devons faire en sorte que des profils plus diversifiés nous rejoignent. Pour cela, nous devons être attentifs à ce que nos lieux de militantisme et de recrutement ne se cantonnent plus aux centre-villes privilégiés. A l’image de ce que nous faisons  pour les femmes avec l’exigence de parité, pour les jeunes avec le quota de 15% de moins de 35 ans, nous proposons de mettre en place des quotas de personnes racisées en places éligibles à chaque élection interne et externe. 

  • Renouer pleinement avec notre vision fédéraliste, notamment envers les habitant-es des Outre-Mers

Notre mouvement porte haut les couleurs du fédéralisme, dans un pays trop centralisé. Nous défendons une démocratie locale, valorisant les diversités sur tous les plans. Pourtant, les Outre-mers, où les racisé⋅e⋅s représentent la majorité de la population, sont très peu investis par notre mouvement : lors de la campagne présidentielle, aucun déplacement du candidat n’y a été fait. Nous portons des réponses fortes sur tous les sujets qui touchent les Outre-mers, qu’ils soient environnementaux, sociaux, économiques, sanitaires et territoriaux. Il est temps d’y assurer notre présence et d’y construire l’ancrage de l’écologie politique !

  • Étendre les compétences des structures internes à l’identification et à la lutte contre les comportements racistes

Notre mouvement s’est doté de plusieurs structures d’observation et d’enquête, afin de lutter contre les comportements sexistes et les agressions sexuelles. Nous pensons à l’Observatoire de la parité et des pratiques (OPP) et à la Cellule d’enquête et de sanctions sur les violences sexistes et sexuelles. Ces instances, inscrites dans le temps et légitimes, apparaissent comme les lieux d’exercice de la veille et de la préconisation de sanctions contre les comportements racistes. L’élargissement de leur champ de compétence imposera une formation obligatoire aux enjeux du racisme pour les personnes qui en seront membres. Les victimes de comportements racistes doivent plus être l’objet d’un déni, et recueillir leur parole doit être dans nos priorités !

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