Le principe de sobriété, comme fondement de la révolution solidaire

CONTRIBUTION POUR LE CONGRÈS 2022 D’EUROPE ÉCOLOGIE LES VERTS

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Le 14 juillet dernier, Emmanuel Macron surprenait tout le monde en évoquant un « plan de sobriété » en vue des difficultés annoncées pour l’hiver prochain. Il a ainsi affirmé vouloir « demander dès à présent aux administrations publiques et à toutes les entreprises qui le peuvent que l’on se mette en situation de consommer moins. On va construire un plan et on va essayer de faire attention à l’éclairage le soir. On va faire un plan de sobriété et de délestage. On doit rentrer collectivement dans une logique de sobriété. »

Les écologistes ne peuvent s’empêcher de mettre en parallèle ces annonces trébuchantes vidées de toute pertinence avec une autre phrase prononcée en septembre 2020 à propos du débat sur la 5G et plus largement sur la politique d’innovation : « J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine »

La sobriété est un des piliers d’une écologie radicale défendue par l’ensemble des écologistes. Le sujet de la sobriété questionne concrètement le rapport à la subtilité philosophique de ce que nous voulons en tant qu’humains dans notre lien au vivant ; de notre définition de l’épanouissement au quotidien ; de notre envie de donner sens à l’usage des biens et des services ; de notre rapport à l’existence.

Elle n’est pas synonyme de tempérance, d’ascèse, simplicité ou frugalité mais correspond plutôt à un équilibre complexe, un chemin entre superflu et nécessité. Le besoin d’un principe de sobriété se doit d’accompagner l’idée de progrès pour englober tous les impacts de ce dernier. Elle ne peut pas, par conséquent, s’opposer à l’idée de modernité. Si l’on inclut la « contrainte » de la satisfaction d’un équilibre social et écologique dans l’idée de progrès, alors la modernité ne peut qu’en tenir compte :

  • Un principe de sobriété pour faire face au principe de consumérisme qui transforme tout en acte de consommation : des fêtes religieuses à la marchandisation des soins pour nos personnes âgées.
  • Un principe de sobriété contre un principe consumériste où chaque chose se caractérise selon une valeur marchande.
  • Un principe de sobriété contre un principe consumériste où la question du sens du respect des écosystèmes tend à disparaître, où la pression de nos activités sur le système-Terre et les risques destructeurs et permanents qui en découlent existent bel et bien. 

C’est bien la notion de besoin qui est au cœur du débat. Le capitalisme a permis une certaine forme d’abondance propice au surplus. Se faisant, il a permis à certaines personnes de satisfaire d’autres besoins que ceux liés à la “nécessité”, mais par ailleurs a conduit à normaliser une forme de surconsommation toujours plus insatiable, confondant besoins et envies. Des envies qui  toujours plus nombreuses deviennent de plus en plus dures à réaliser dans une course effrénée  aux ressources, tout en créant des frustrations sociales importantes. La consommation offre un plaisir momentané avant que le désir ne s’oriente vers une nouvelle consommation. En plus d’ensevelir les besoins biologiques sous des besoins factices.

Pour André Gorz, le travailleur-consommateur des pays développés – qui dans la pensée libérale incarne le plus haut degré de liberté politique et économique – n’est en réalité que la victime d’une double dépossession. Il est d’une part, dans l’obligation d’entrer dans le système productif pour avoir les moyens d’accumuler du capital. D’autre part, touché par l’impératif d’accumulation, il est entravé dans sa recherche d’autonomie, sans parler des effets négatifs sur la nature qui est le berceau de l’existence humaine.

Une politique de sobriété engagera un élan sociétal pour limiter le besoin continu en superflu et permettra à chaque humain·e de vivre en limitant sa dépendance au système. Parce qu’un modèle sociétal bâti sur les principes de l’écologie pourrait constituer un horizon d’émancipation, nous écologistes, devons être prêts à incarner un modèle clair de société. En effet, il relève du politique de mener un tel projet éco-social, et ancrer au cœur de ce modèle, la réduction du temps de travail et l’instauration d’un Revenu d’Existence dont l’organisation, le financement et les modalités de versement seront débattues. À l’initiative d’EELV, des discussions avec syndicats de salariés, syndicats agricoles, organisations de jeunesse et de la famille, associatifs et collectifs, revues, personnalités qualifiées etc…

Le progrès devrait se concentrer sur le développement de l’individu et de son autonomie plus que sur celui de son enrichissement. Par la sobriété matérielle, nous pourrions dégager du temps en travaillant moins, passer plus de temps à l’art et la culture, à dédier du temps pour soi et ses proches, à découvrir et nous reconnecter à la nature, à prendre du temps pour l’essentiel.  

Dans le discours actuel de nos gouvernants, le « solutionnisme technologique » est le seul remède proposé pour permettre au système capitaliste de continuer sa course effrénée vers le  « toujours plus ». Pour lutter contre les canicules qui sont amenées à devenir la norme de nos étés, nous n’avons aucune solution.

Les travaux de l’économiste Hélène Tordjman nous éclairent sur la dangerosité d’attendre du progrès technique qu’il régénère la biosphère. L’expérience collective de la sobriété est alors nécessaire pour ne pas dégrader irrémédiablement notre milieu de vie. Dès lors, il est aisé de comprendre que dans un pays où la croissance est synonyme de bien-être, aucune prise en compte de la sobriété n’a les résultats escomptés. Pire encore, les politiques dites de développement durable ou de croissance verte, rassurent sans résoudre structurellement les problèmes écologiques et sociaux. La croissance infinie n’existe pas et notre niveau de développement n’est déjà plus durable… Et l’a-t-il déjà été ?

C’est en ce sens qu’EELV peut incarner radicalement dans son modèle global de société et dans son mode de fonctionnement ce principe de sobriété.

· Comment ?

  • Une politique de sobriété s’articule d’abord à un niveau local. La diversité des communes nécessite l’implication d’un acteur à plus grande échelle pour harmoniser et distribuer équitablement les ressources. L’idée de fabriquer un « État des territoires » permet de maintenir une vitalité démocratique communale et, ensuite, d’améliorer le dialogue entre communes et intercommunalité.
  • Une politique de sobriété s’ancre radicalement dans les fondations du système économique et remet en cause les pratiques extrêmes de la publicité et du marketing en luttant contre les injonctions à la consommation et l’obsolescence programmée.
  • Une politique de sobriété résulte forcément d’un dialogue permanent entre citoyen.nes, personnalités qualifiées, syndicats, décideur.euses politiques. La démocratie participative en est la méthode pivot.
  • Une politique de sobriété a pour objectif de limiter les dépendances aux systèmes économiques de chacun.e dans son quotidien, pour cela elle doit permettre un accompagnement par toutes les formes de sécurité sociale (Revenu universel d’existence, gratuité des communs,etc…).
  • Une politique de sobriété se renforce à l’échelle européenne avec une coopération entre États. Par exemple, un Traité de non-prolifération des énergies fossiles permet une régulation plus forte à l’échelle du continent.

· Pour qui ?

  • Une politique de sobriété doit tenir compte de la notion de « pouvoir d’agir » liée non pas uniquement fondée sur le « pouvoir d’achat » mais sur un “pouvoir de vivre” dont les fondements résident dans le fait de protéger, sécuriser et accompagner les classes les moins aisées par une politique de justice sociale. La sobriété n’a pas pour but de “précariser” les classes populaires par des contraintes socio-économique mais de définir les contours de la lutte contre les effets de l’injonction consumériste.
  • Une politique de sobriété doit placer en son centre le rapport au travail et à la valeur du travail. EELV peut incarner la poursuite de réduction du temps de travail (semaine de 4 jours).
  • Une politique de sobriété, en repensant profondément la notion de valeur de l’individu dans la société et pour la société par le prisme de justice sociale et d’égalité, doit promouvoir la mise en place d’un revenu d’existence distribué sans conditions.
  • Une politique de sobriété doit permettre de valoriser des actes de « solidarité ». Pour retrouver le goût du lien social et du vivre-ensemble et par ricochet l’envie de « moins » consommer de manière individuelle, en créant un système de « valorisation » des activités liées aux œuvres sociales.

· Pour quels secteurs ?

  • Une politique de sobriété revisite les modes d’éducation et de la formation tout au long de la vie, en s’inspirant des modèles scandinaves (Folkskole par exemple).
  • Une politique de sobriété permettra un vrai développement massif de l’économie sociale et solidaire.
  • Une politique de sobriété doit être déployée dans le cadre de toutes les technologies, avec un ciblage pertinent autour des technologies du « numérique » très consommatrices de ressources.
  • Une politique de sobriété permet un ciblage des besoins énergétiques et d’orienter par conséquent les usages de consommation.
  • Une politique de sobriété nécessite une profonde remise en question des procédés industriels dans tous les secteurs de production (en particulier les industries lourdes).
  • Une politique de sobriété nécessite le déploiement de stratégie d’investissements lourds et conséquents pour lutter contre le vieillissement des infrastructures qui causent des pertes et gaspillages.

Nous, écologistes d’EELV, devons incarner ce principe de sobriété qui impactera le modèle socio-économique. La transition écologique sera alors une révolution des solidarités. Le combat face à un modèle de croissance basé sur des formes  d’exploitations humaines et de l’écosystème est rendu possible par la limite dans l’accumulation des richesses. Développons une idée de la valeur « d’existence » éloignée de la valeur « marchande ».

Défendons la radicalité écologique face à la rationalité économique grâce au « principe de sobriété » !

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